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Les versets abrogés ("Mansoukh") du Qour'aane
Question
: Peut-on avoir des infos précises sur
les "ayats mansoukhats" ?
Réponse: La question des versets abrogés (" Mansoukh
") est une question très importante de la science du
Qour'aane. Les savants musulmans se sont beaucoup étendus sur ce
point. Dans les lignes suivantes, je ne vais rappeler que les
principaux aspects de cette question. Dans le vocabulaire
religieux islamique, le terme " Naskh " pourrait être
défini comme étant lopération qui consiste à abroger un
précepte par le biais dun argument religieux. Afin de
mieux comprendre le pourquoi de ce genre dabrogation, il
est important de rappeler que le Qour'aane a été révélé par
étape, en fonction des évènements et des conditions qui
prévalaient à lépoque du Prophète Mouhammad
(sallallâhou alayhi wa sallam), et ce, afin de faciliter aux
premiers musulmans la transition entre leurs habitudes et leurs
pratiques antéislamiques et la noble voie apportée par le
Qour'aane et le Messager dAllah (sallallâhou alayhi wa
sallam). Cette révélation graduelle avait donc pour objectif de
former le caractère des nouveaux musulmans, afin de les
préparer à accepter les préceptes divins qui étaient
révélés de façon successive. Cest ainsi que tout au
long de la période de la Révélation, avec lévolution
des conditions de vie, de la mentalité et du contexte, certains
commandements révélés étaient abrogés pour être remplacés
par des commandements plus en prise avec la nouvelle situation
des musulmans. Cest justement ce processus
déducation et de formation par étape qui a occasionné le
" Naskh " (labrogation) de certains versets du
Qour'aane. Ce processus pourrait être comparé à l'action d'un
médecin qui adapte son traitement en fonction de l'évolution de
la santé du malade. En effet, un bon médecin nest pas
celui qui donne lintégralité du traitement au malade dès
la première consultation. Au contraire, le véritable médecin
prescrit dabord un traitement de quelques jours, puis avec
lévolution de la santé du malade, il modifie son
traitement et ladapte à nouveau. Dans ce genre de cas, il
est insensé de dire que le médecin ne sait pas ce quil
fait. Dès la première prescription, il sait pertinemment
quil va le changer par la suite, mais la sagesse la plus
élémentaire lui demande den espacer les différentes
étapes.
Il est à noter que certains non-musulmans objectaient déjà à
l'époque du Prophète (sallâllahou alayhi wa sallam) contre
l'abrogation des lois divines. Selon eux, le " Naskh "
en ce qui concerne les injonctions de Dieu n'est pas possible car
cela reviendrait à assimiler que la science divine est limitée,
que Dieu ne sait pas ce quil fait en donnant dabord
un ordre puis en labrogeant et en donnant un autre. A vrai
dire, cette objection ne reflète qu'une analyse superficielle de
la question. L'abrogation n'a jamais eu pour fonction de montrer
que la loi abrogée était fausse, et que cest pour cette
raison qu'elle devait donc être modifiée ou remplacée Le
" Naskh " a pour objectif de déterminer la période de
validité d'une prescription. La nouvelle prescription instituée
révèle ainsi que l'ordre abrogé était totalement compatible
et conforme avec le contexte précédent, mais que la situation
ayant évoluée, un changement plus approfondi est devenu
possible et même nécessaire, afin de s'approcher de l'idéal
voulu par Dieu dès l'origine. Loin d'être une défaillance, le
" Naskh " est au contraire une marque de la Perfection,
ainsi que de la Sagesse d'Allah et ne remet en aucune façon qui
soit lOmniscience divine. Le " Naskh " est une
mesure qui prend ainsi pleinement en considération la nature
humaine, caractérisée par le changement, et établit un
cheminent par étape conduisant lhomme de la réalité de
sa pratique quotidienne lorsque celle-ci est contraire aux lois
de Dieu, à une existence en harmonie avec ces mêmes lois.
Cest justement cette formation par étape qui a prévalu
lors de linterdiction du vin et de lusure, comme le
témoigne le Qour'aane. Ce genre dobjections de la part des
non musulmans est dautant plus étonnante que
labrogation des lois divines nest pas une
spécificité de lIslam. En effet, on trouve aussi dans le
texte biblique des passages qui pourraient être assimilés au
" Naskh " :
Daprès un passage de la Genèse
(29/23-30), on apprend ainsi quà lépoque de Jacob,
il était permis dépouser simultanément deux surs.
Par la suite, cela fut interdit dans loi mosaïque, comme le
témoigne ce passage : " Tu ne prendras pas pour épouse la
sur de ta femme " (Lévitique 18/18). De même,
dans la loi mosaïque, il était tout à fait permis de divorcer
de son épouse (voir Deutéronome 24/1-2). Un passage de
lEvangile de Mathieu (19/9) affirme que cette loi avait
été abrogée par Jésus. Bref, le " Naskh " ne
représente en aucune façon qui soit un défaut et il est tout a
fait possible que Dieu abroge des lois révélés.
Pour ce qui est maintenant de la communauté
musulmane, il y a pratiquement unanimité des savants musulmans
sur le fait que certains versets du Qour'aane ont été abrogés
à lépoque de la Révélation. Seul Abou Mouslim Asfahâni
(célèbre savant moutazilite) réfutait cela. Selon lui,
aucun verset du Qour'aane na jamais été abrogé. Mais le
meilleur argument pour le contredire reste le célèbre verset du
Qour'aane qui dit :
" Si Nous abrogeons
un verset quelconque ou que Nous le fassions oublier, Nous en
apportons un meilleur, ou un semblable. Ne sais-tu pas qu'Allah
est Omnipotent ? "
(Sourate 2 / Verset 106)
(Il est à noter que le savant musulman
Mouhammad Abdou a donné une interprétation différente à ce
verset, mais cette dernière va à lencontre des
circonstances de révélation du passage.) Le " Naskh "
est aussi mentionné dans un autre verset du Qour'aane:
"Quand Nous
remplaçons un verset par un autre - et Allah sait mieux ce qu'Il
fait descendre - ils disent : "Tu n'es qu'un menteur".
Mais la plupart d'entre eux ne savent pas."
(Sourate 16 / Verset 101)
Pour conclure, il serait intéressant de
rappeler les principaux cas de figure du " Naskh " qui
existent.
1. Certaines fois, le verset a été
complètement abrogé, cest à dire aussi bien sa lecture
que lordre quil renferme ont été fait "
Mansoukh ". Aïcha (radhia allâhou anha) rapporte dans un
Hadith quil existait à lorigine un verset du
Qour'aane qui statuait que si un enfant avait bu 10 gorgées de
lait dune nourrice, à ce moment seulement cette dernière
devenait sa mère de lait, et les liens de mariage devenaient
interdits. Par la suite, ce verset a été retiré du Qour'aane
et lordre quil contenait a aussi été abrogé, pour
être ramené à une seule gorgée (selon les savants de
lécole hanafite).
2. Dautres fois, cest seulement la
lecture du verset qui a été abrogée, cest à dire que le
verset a été retiré du Qour'aane, mais lordre quil
contenait a été conservé et est encore en application. Exemple
de ce genre de verset: Oumar (radhia allâhou anhou) nous apprend
dans un Hadith quil existait au sein du Qour'aane un verset
qui mentionnait la peine de la lapidation pour ceux qui
commettent ladultère alors quils sont mariés.
(" ach chaykhou wac chaykhatou idhâ zanayâ fardjimouhoumâ
albattata nakâlamminallâh wa rasoulih ".) Puis il a été
retiré du Qour'aane mais lordre quil contenait a
été conservé.
3. Dautres fois encore, cest lordre contenu
dans le verset qui a été abrogé, tandis que le verset
lui-même a été conservé dans le texte coranique. Exemple de
ce genre de verset:
" Ô vous qui avez
cru ! Quand vous avez un entretien confidentiel avec le Messager,
faites précéder d'une aumône votre entretien : cela est
meilleur pour vous et plus pur. Mais si vous n'en trouvez pas les
moyens alors Allah est Pardonneur et très Miséricordieux !
"
( Verset 12 - Sourate 58).
Ce verset a été abrogé par le suivant :
" Appréhendez-vous
de faire précéder d'aumônes votre entretien ? Mais, si vous ne
l'avez pas fait et qu'Allah a accueilli votre repentir, alors
accomplissez la Salat, acquittez la Zakat, et obéissez à Allah
et à Son messager. Allah est Parfaitement Connaisseur de ce que
vous faites. "
(Verset 13 - Sourate 58).
Voici donc un résumé de ce que les
savants musulmans ont écrit sur la question.
(Références: "Al itqân fi ouloûmil
Qour'aane", "Ouloûm-oul-Qour'aane",
"At tafsîr oul Mounîr" et "At Tafsîroul
Kabîr", entre autres.)